On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps

Tout le monde connaît Patrick Pelloux, héraut des victimes de la canicule de l’été 2003, de la médecine d’urgence en général, le voici désormais s’aventurant dans les méandres de l’histoire. C’est, je trouve, une agréable surprise, que de le voir ainsi sortir du registre dans lequel on le connaissait habituellement… enfin presque… Pas celui de la dénonciation d’un système de santé en perdition, mais celui des urgences. En effet, dans son ouvrage « On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps », qui vient d’être publié en livre de poche, il retrace les derniers jours de quelques grands hommes – et d’un canard – qui, à l’exception de ce dernier auraient pu finir leurs jours au sein d’un service d’urgence.

Couverture du livre de Patrick Pelloux

Si toutes les personnalités dont les derniers instants son relatés dans ce livre ne font pas partie de l’Histoire à proprement parler on y retrouve néanmoins de nombreux rois et personnalités politiques de différentes époque. En dehors de l’aspect « voyeuriste » que pourraient présenter les différents récits, ils viennent rappeler la nécessité de dépasser les « légendes » existantes sur les personnages historiques et rappeler leur condition humaine comme n’importe qui d’entre nous. Un exemple ? Charles IX dont Dumas a fait un crime (pour sa défense c’était fréquent en cette période troublée) et dont l’auteur nous expose les symptômes connus dont on s’aperçoit très vite qu’ils rendent inutiles tout recours au poison sauf peut-être pour abréger les souffrances, mais c’est un autre débat. Dans chaque chapitre, Patrick Pelloux rappelle les connaissances médicales et les pratiques de l’époque afin de mieux comprendre les différentes actions faites aggravant parfois la souffrance ou le funeste mal.

Je ferai néanmoins quelques reproches à l’auteur. Le premier, c’est qu’à la fin de la lecture, même en prenant le temps d’expliquer rapidement les pratiques de l’époque, on ressort quand même avec un sentiment – probablement involontaire – d’arrogance à posteriori sur la pratique ancienne de la médecine, si l’on a pas un minimum de culture sur l’histoire de la médecine. Non, il n’est pas possible de résumer la pratique de la médecine à celle caricaturale de Molière, à des saignées et des lavements. Certes, il y a du vrai, mais certaines pratiques comme la césarienne ou la trépanation pour ne citer que celles-là, sont bien antérieures et toujours utilisées de nos jours. Dois-je aussi rappeler les cures thermales dont le principe n’a guère changé depuis l’antiquité et que la médecine continue de prescrire, mais là aussi, c’est un autre débat.

Le second, concerne la « petite leçon morale » sur Saturnin, Skippy, et autre Willy… affreusement traités, voir torturés ou tués lors des tournages (vous m’excuserez de dévoiler ainsi la la fin). Je trouve là aussi une forme d’arrogance dans la démarche. Monsieur Pelloux, sur le même sujet, il manque un dernier chapitre, sur les victimes – en dehors des inévitables aléas thérapeutiques et des erreurs médicales – sur les victimes volontaires des médecins. Il n’aurait pas été inutile d’expliquer comment on connaît si bien l’agonie des victimes plongées dans l’eau glacée. Vous n’êtes pas non plus sans savoir des expériences de l’unité 731, celles du docteur Mengele et ses collègues, les expériences sur les condamnés à mort au fil des siècles et des millions d’animaux eux aussi maltraités à des fins médicales (encore aujourd’hui).

Bref, malgré ce petit coup de gueule, cela n’enlève en rien à l’intérêt de l’ouvrage que j’ai sincèrement apprécié. Et je conclurai par : À quand la suite ? Il reste de nombreux cas intéressants comme celui de Thoutankamon – qui n’a pas été assassiné soit dit en passant – Henri II soigné par le père de la chirurgie moderne, Ambroise Paré, Charles VII, Louis X, Socrate victime de ses pairs et de nombreux autres… J’attends avec impatience la suite…