Mercredi 3 juin 1789

Beau temps et brises fraîches du S. S. E. et du S. E., ·tant le cap au N. ¼ N. O. Cette après-midi, nous trouvâmes la mer encore plus grosse, ce que nous attribuâmes au moindre abri de la part des récifs dans la partie de l’est ; étant probable que ces rochers ne s’étendent pas au nord, ou du moins ne sont pas dans cette partie aussi continue, et ne forment pas, comme ailleurs, une barrière constante qui empêche les vaisseaux d’approcher de la côte.

J’observai un courant portant au N. O. que je crus être celui de flot.

Nous vîmes le long de la côte quelques parties boisées. À cinq heures, comme nous avions le cap au N. O., nous passâmes devant une belle et grande ouverture entre les terres, qui est je crois une entrée fort praticable et sûre : elle est située par 11° de latitude sud. À environ trois lieues au nord de cette ouverture est une île où nous arrivâmes au soleil couchant. Nous nous y mîmes à l’abri pour cette nuit, sous une pointe de sable, le seul endroit qui fut propre au débarquement ; je fus obligé par cette raison de me contenter d’une position assez sauvage et je restai à dormir dans la chaloupe. J’envoyai néanmoins un détachement de nos gens à terre pour chercher des rafraîchissements, mais ils ne réussirent pas ; ils virent une quantité d’écailles et d’os de tortues dont il paraissait que les naturels du pays s’étaient régalés, et même depuis peu.

Cette île, qui n’était d’ailleurs qu’une masse de rochers, était entièrement couverte d’arbres.

Nous y restâmes mouillés sur un grappin jusqu’au jour, ayant un gros vent et le temps couvert. Le continent nous restait depuis le S. E. ¼ S. jusqu’au N. N. O.5° 37′ O., à trois lieues de distance ; une île montueuse avec un sommet plat, nous restait au N. ¼ N. O. à quatre ou cinq lieues ; il y avait plusieurs autres îles entre celle-là et la grande terre. J’appelai l’île où nous étions l’île aux Tortues ; mon estime en place la latitude S. à 10° 52′ et la distance à 42 milles à l’ouest de l’île de la Restauration. La côte qui est vis-à-vis ne représente qu’un désert sablonneux ; mais elle a meilleure apparence à environ trois lieues plus au nord ; là elle se termine en une pointe, au voisinage de laquelle il y a un nombre de petites îles.

Je fis voile entre ces dernières îles et je ne trouvai point de fond à 13 brasses dans ce chenal ; j’avais à tribord l’île montueuse, au sommet plat, de même que quatre rochers qui sont dans le S. E. de cette île, et que j’appelle les Frères. J’aperçus bientôt après une ouverture très vaste, dans les terres du continent, où on distinguait un nombre d’îles fort élevées ; j’appelai cet endroit la baie des îles. Nous continuâmes de gouverner au N. O. ayant plusieurs îles et cayes dans la partie du nord. L’île la plus nord était montueuse et avait un pic rond et très élevé ; une autre plus petite île était remarquable par une seule montagne terminée en pointe.

Au nord et à l’ouest de cette baie des îles, la côte est d’une toute autre nature que celle du sud ; elle est élevée et bien boisée, ayant auprès d’elle un nombre d’îles, et étant fort entrecoupée. Il y a parmi ces îles d’excellentes positions pour le mouillage des vaisseaux. Je donnai à l’île la plus au nord le nom d’île du Mercredi. Au N. O. de cette île, je rencontrai un récif fort étendu qui, à ce que je crois, se joint à plusieurs cayes que j’avais alors en vue, restant depuis le N. O. jusqu’à l’E. N. E. Vers midi nous mîmes le cap au S. O. pendant l’espace d’une demi lieue ; j’eus bonne hauteur et ma latitude fut de 10° 31′ sud. L’île du Mercredi restait alors à l’est ¼ S. E.) à la distance de cinq milles ; la terre ; la terre la plus à l’ouest gissait au S. O. à 2 ou 3 lieues ; les îles de la partie du nord me restaient depuis le N. E. ¼ O. à quatre ou cinq lieues de distance, jusqu’au N. E. à six lieues ; et enfin le récif, éloigné de moi d’un mille, me restait depuis l’O. jusqu’au N. E. J’assurai dans ce moment à tout mon équipage, que nous débarquerions des terres de la Nouvelle- Hollande avant le soir.

Il ne m’est pas possible de déterminer l’étendue de ce récif. Ce peut être une continuation, ou plutôt une partie détachée de cette ligne de récifs et de bas-fonds qui entourent toute elle côte. Quoi qu’il en soit, je regarde les îles montueuses comme étant absolument séparées des récifs et je ne doute pas qu’il n’y ait près d’elles plusieurs passages pour les vaisseaux. Je conseillerai cependant à ceux qui venant de l’est, voudront passer ce détroit, de le chercher de préférence, en prenant leur partance de la côte de la Nouvelle-Guinée ; je crois aussi qu’un vaisseau, venant de la partie du sud, trouverait un détroit très praticable par 10° de latitude sud. J’aurais bien voulu m’en assurer, mais dans la triste position où nous étions, il était du plus grand danger de s’aventurer à augmenter nos fatigues ou à perdre du temps ; c’est pourquoi je pris la résolution de faire route sans délai.

Je distribuai ce jour, en augmentation à la portion ordinaire de biscuit et d’eau, six huîtres à chaque hommes.