Lundi 25 mai 1789

Beau temps et vents bon frais au S. S. E. Nous vîmes cette après-midi, beaucoup de ces oiseaux qu’on ne voit qu’aux approches de terre, comme fous et butords.

À trois heures, la mer devint plus belle et nous n’embarquions presque plus de lames j’en profitai pour tâcher de reconnaître la quantité exacte de biscuit que nous avions de reste. Cet examen me fit connaître qu’en suivant les mêmes distributions, j’avais de quoi fournir vingt-neuf jours de ration. J’espérais bien être au bout de ce terme rendu à Timor ; mais comme on ne pouvait pas en être assuré, et comme il était même possible que nous fussions forcés par les circonstances à pousser jusqu’à l’île de Java, je me décidai à faire durer mes vivres encore six semaines et à régler les distributions en conséquence.

J’avais tout lieu de craindre que cette proposition ne fut mal reçue et je pensai que j’aurais besoin de toute ma fermeté pour la mettre à exécution car quelque petite que fût la diminution que je comptais faire sur chaque repas, pour notre plus grand avantage, je craignais que mon équipage ne regardât ce retranchement comme un tort que je leur faisais au détriment de leur existence et je m’attendais même à de forts obstacles de la part de quelques-uns plus impatients que les autres. Je parvins cependant à représenter avec succès la nécessité indispensable où nous nous trouvions de nous précautionner contre les retards que pourraient apporter à notre voyage, soit les vents contraires, soit d’autres causes ; je promis en même temps d’augmenter la ration à mesure que nous aurions avancé notre chemin, et tous y consentirent sans murmures. Je réglai en conséquence que, dès ce moment, la ration du déjeuner serait d’un vingt-cinquième de livre de biscuit, celle du dîner autant ; et que le souper serait retranché ; au moyen de quoi nous avions encore de quoi subsister pendant quarante-trois jours.

À midi, quelques fous nous approchèrent tellement qu’on en prit un avec les mains. Cet oiseau est à peu près gros comme un petit pigeon.

Je le partageai, y compris les intestins, en dix-huit parts ; et on employa pour fixer les parts. La méthode usitée en pareil cas par les matelots anglais, avec le cri : à qui cette part ? On y ajouta la distribution accoutumée de biscuit et d’eau pour le dîner, et l’oiseau fut dévoré os et tout, avec de l’eau de mer pour toute sauce.

J’observai 13° 32′ de latitude sud ; longitude estimée 35° 19′ ouest de Tofô, la route à l’ouest 1° N. O. ; chemin corrigé, cent huit milles.