Jeudi 11 juin 1789

Beau temps et les vents bon frais au S. E. et au S. S. E. La vue d’un nombre d’oiseaux et de beaucoup d’herbes marines, nous indiquèrent que nous n’étions pas fort éloignés de terre ; mais j’avais lieu d’attendre dans ces parages de pareilles annonces, y ayant un nombre d’îles entre la partie orientale de Timor et la Nouvelle-Guinée.

J’espérais néanmoins atterrer bientôt sur Timor ; et j’en avais bien besoin, car l’état de plusieurs de mes gens me mettait dans le cas de craindre qu’ils ne pussent pas résister à une plus longue traversée. Une débilité extrême, des jambes enflées, des physionomies maigres et défaites, une envie de dormir continuelle et l’esprit sensiblement affaibli, tels étaient les tristes symptômes qui me présageaient leur prochaine dissolution. Mais les plus maltraités de tous étaient le chirurgien et le nommé Lebogue. Je leur donnais parfois quelques cuillerées à café de ce vin que j’avais conservé soigneusement pour ce cas désastreux ; et je ne doute pas que ce petit secours n’ait beaucoup aidé à les soutenir.

De mon côté, ce qui m’aidait le plus à supporter cette position, était une grande force d’âme et l’espoir de voir la fin de ce voyage ; cependant le maître d’équipage me dit naïvement qu’il croyait que j’avais encore plus mauvaise mine que tous les autres ; la manière simple dont il me débita cet aveu, m’amusa et j’eus le bon esprit de lui riposter par un compliment plus gracieux.

Chacun reçut, pendant cette journée, sa part de vivres composée d’un vingt-cinquième de livre de biscuit et d’un huitième de pinte d’eau, aux trois repas, du soir, du matin et de midi ; et en outre une augmentation d’eau à ceux qui en demandaient.

À midi, j’observai 9° 41′ de latitude sud. La route me valut l’O. ¼ S. O. 1° 45′ sud, chemin corrigé cent neuf milles ; longitude arrivée 13° 49′ ouest du cap Shoal. J’étais presque certain d’avoir à présent dépassé le méridien de la partie la plus orientale de Timor qui est marqué sur les cartes à 128° E. du méridien de Greenwich. Cette nouvelle répandit la joie dans tout l’équipage.