Dimanche 10 mai 1789

La première partie de cette journée fut belle ; mais après le coucher du soleil, il venta fort, par grains de pluie très abondante, accompagnés d’éclairs et de tonnerre, les vents soufflant de l’E. ¼ S. E., du S. E. et du S. S. E.

L’après-midi, je fis garnir une paire de haubans à chaque mât ; je fis arranger une toile de bastingage tout autour de la chaloupe et je fis relever les côtés vers l’arrière d’environ neuf pouces, en faisant clouer contre le bord les bancs de la poupe, ce qui nous fut très avantageux.

Les nuages se ramassèrent d’une grande épaisseur vers neuf heures du soir, et nous eûmes une pluie affreuse avec de forts coups de tonnerre et beaucoup d’éclairs. À minuit, nous avions ramassé soixante-dix pintes d’eau. Comme nous étions trempés et tremblants de froid, je donnai à chaque personne une cuillerée à café de rhum pour leur faire supporter cette triste position. Le vent augmenta et le temps fut affreux toute cette nuit ; nous la passâmes sans dormir, excepté ceux qui le pouvaient avec la pluie sur le corps. La lumière du jour n’apporta que sa vue pour améliorer notre état ; la mer continuait de briser au-dessus du bord et il fallait constamment employer deux hommes à jeter l’eau. Il n’était pas question d’indiquer la route, car nous étions obligés de fuir devant la mer et de gouverner à la lame, pour éviter de nous remplir.

La ration que je distribuais régulièrement à chaque homme était un vingt-cinquième de livre de biscuit et un huitième pinte d’eau, au soleil couché, à huit heures du matin et à midi.

Aujourd’hui, je donnai une demi-once de cochon salé à chacun pour dîner, et quoique tout homme très sobre eut pu ne regarder cette quantité que comme une bouchée, on en faisait trois ou quatre morceaux.

À midi, la pluie ayant diminué, je pus observer la latitude que je trouvai être de 15° 17′ sud. La route O. N. O. 0° 30′ N. le chemin parcouru soixante-dix-huit milles, et la longitude estimée 10° ouest de Tofô.