Vendredi 8 mai 1789

Temps fort pluvieux toute l’après-midi, avec tonnerre et éclairs ; le vent N. N. E.

Une seule des pirogues nous gagnait ; à trois heures de l’après-midi, elle n’était qu’à deux milles de distance de nous, lorsqu’elle abandonna la chasse.

Ces pirogues, autant que j’en ai pu juger par la forme de leur voile, sont pareilles à celles des îles des Amis ; et comme la distance entre ces peuples n’est pas grande, on ne peut pas douter qu’elles ne se ressemblent. Il est incertain que ces pirogues aient quelque intention malfaisante à notre égard ; il est possible que la communication avec eux nous eût été avantageuse ; mais l’épreuve était trop dangereuse dans l’état désarmé où nous nous trouvions.

Je crois que ces îles sont les îles Fidji, parce que leur étendue, leur position et leur distance des îles des Amis, se rapportent avec ce que nous en ont dit ces insulaires. Ils survint une forte pluie à quatre heures : chacun tâcha de ramasser de l’eau et nous parvînmes à augmenter notre provision jusqu’à cent vingt pintes, outre que nous en bûmes à notre soif pour la première fois depuis notre mise en mer. Mais si nous reçûmes ce bienfait de la pluie, il nous en résulta un inconvénient qui nous fit passer une nuit bien fâcheuse : nous en fûmes percés, sans pouvoir changer de hardes ni nous couvrir, et nous éprouvâmes un froid et des frissons dont on peut à peine se faire une idée. La matinée heure matinée heureusement fut belle, et nous pûmes nous mettre nus pour faire sécher nos habits.

La ration de cette journée fut une once et demie de cochon salé, une cuillerée à café de rhum, un quart de pinte d’eau de coco et une once de biscuit. Le rhum, quoiqu’en aussi petite quantité, fit grand bien. Nous avions toujours une ligne de pêche à la traîne, mais nous ne pûmes prendre un seul poisson, quoique nous en vissions un grand nombre.

À midi, j’observai 16° 4′ de latitude sud ; ma route depuis hier midi valut le N. O. ¼ O. 5° 30′ ouest ; chemin estimé soixante-deux milles ; la longitude, aussi estimée, 7° 42′ à l’ouest de Tofô.

Les terres que j’ai dépassées hier et avant-hier sont un amas d’îles, au nombre de quatorze ou seize, situées entre les 16° 26′ et les 17° 57′ de latitude méridionale, et suivant mon estime entre les 4° 47′ et les 7° 17′ de longitude ouest de Tofô.

Il y a trois de ces îles dont l’étendue est considérable, ayant entre trente et quarante lieues de côtes.