Jeudi 7 mai 1789

Temps variable et le ciel couvert, le vent au N. E. avec calme. Je continuai ma route au N. O. entre les îles qui, vers le soir, parurent être fort étendues, bien boisées et montueuses. Au coucher du soleil, celle plus méridionale restait depuis le S. jusqu’au S. O. ¼ O. et la plus au nord restait depuis le N. ¼ N. O. 5° 37′ O. jusqu’au N. E. 5° 37′ E. À six heures, j’étais à peu près à mi canal entre ces deux îles, à six lieues de distance de chacune, lorsque je me trouvai sur un banc de madrépores, où je n’avais que quatre pieds d’eau, sans qu’aucun brisant, ni clapotage nous en eût pu faire douter. Je ne pus distinguer l’étendue de ce banc qu’à un mille de chaque côté de nous ; mais comme il est probable qu’il s’étend beaucoup plus, je l’ai tracé ainsi dans ma carte.

Je réglai la route à l’O. ¼ N. O. pour cette nuit et je donnai à chaque homme une once de biscuit endommagé et un huitième de pinte d’eau pour souper.

On peut aisément se figurer que nous étions logés misérablement et fort à l’étroit ; le seul moyen de réparer ce dernier inconvénient, était de faire courir à tout le monde la grande bordée, de manière que la moitié veillait, tandis que l’autre moitié était couchée dans le fond de la chaloupe ou sur un coffre, avec le ciel pour toute couverture. Tous nos membres étaient misérablement pris de la crampe, nous ne pouvions les étendre. Les nuits étaient si froides et nous étions si constamment mouillés, qu’après quelques heures de sommeil, nous nous trouvions engourdis à pouvoir à peine nous remuer.

À la pointe du jour, nous découvrîmes encore une terre restant depuis l’O. S. O. jusqu’à l’O. N. O. et une autre île au N. N. O. : cette dernière n’était qu’une masse ronde et peu étendue. Je pouvais encore apercevoir la terre la plus sud que nous avions dépassée pendant la nuit. Comme nous étions tout mouillés et tremblant de froid, je donnai une cuillerée de rhum et un morceau de biscuit pour le déjeuner.

Comme j’approchais la terre qui était dans l’ouest, elle m’offrit une variété de formes ; on voyait des rochers d’une hauteur prodigieuse et le pays était agréablement entremêlé de plaines et de coteaux, dont quelques endroits étaient boisés. Au large de la partie du N. E. il y a deux petites îles de rochers qui en sont éloignées de quatre lieues.

Je passai entre ces deux îles et la grande ; mais le courant, qui portait sous le vent, nous jeta à l’improviste très près de terre. Nous ne pûmes nous en éloigner qu’en nageant l1, et encore nous rangeâmes de très près le récif qui entoure les îles de rochers. Nous vîmes en ce moment deux grandes pirogues à la voile qui paraissaient nous poursuivre avec vitesse ; persuadés que telle était leur intention, nous voguâmes pleins d’inquiétude, connaissant notre faiblesse et l’impossibilité de nous défendre.

Il était midi ; le temps était calme et le ciel couvert de nuages ; je ne pouvais par cette raison être assuré de ma latitude à trois ou quatre milles près. La route, depuis hier midi, m’a valu le N. O. ¼ O. soixante-dix-neuf milles ; latitude estimée 16° 29′ S. et la longitude aussi estimée 6° 46′ O. de Tofô. Comme nous étions constamment inondés, c’était avec beaucoup de difficulté que je pouvais trouver les moyens d’ouvrir mon journal pour écrire, et je ne regarde ce que j’ai fait que comme un moyen d’indiquer où on peut retrouver ces terres et de donner quelque notion sur leur étendue.