Mercredi 29 avril 1789

Cette après-midi fut heureusement très calme jusqu’à environ quatre heures. Nous avions tellement gagné le vent, à l’aide de nos avirons, que nous pûmes faire voile avec une petite brise de l’est qui s’éleva alors. Il était cependant déjà nuit close lorsque nous arrivâmes sur Tofô, où m’étais flatté de débarquer ; mais les côtes se trouvèrent si à pic et si remplies de rochers, que je fus obligé d’abandonner ce ·projet et de me tenir toute la nuit sous le vent de l’île, soutenu par deux avirons ; car il n’y avait aucun mouillage. Ayant donné l’ordre en conséquence, je servis à chaque homme une demi pinte de grog, et chacun se livra, autant qu’il put, au repos que notre triste situation permettait de prendre.

Le matin, à la petite pointe du jour, nous suivîmes la côte pour chercher un lieu de débarquement ; ce ne fut qu’à dix heures, ou à peu près, que nous découvrîmes une anse pierreuse dans le nord-ouest de l’île : j’y jetai le grappin à vingt brasses de distance des rochers.

La lame se déployait fortement à terre ; cependant, comme je ne voulais pas diminuer nos provisions, je mis à terre M. Samuel et quelques autres, qui grimpèrent au haut des rochers et entrèrent dans l’île pour y chercher des vivres. Le restant de mon équipage et moi, nous restâmes dans la chaloupe, ne découvrant aucun autre lieu par où il fût possible de débarquer, que celui où M. Samuel avait passé. Ce fut pour moi une grande consolation de voir que l’excès de notre malheur, et notre situation presque désespérée, n’avaient point abattu le courage de mon monde. M. Samuel revint vers midi avec quelques pintes d’eau qu’il avait trouvée dans des trous de rochers ; il n’avait rencontré ni source, ni aucune apparence de pouvoir se procurer une provision d’eau ; mais il avait vu des traces d’hommes.

Comme il était impossible de calculer jusqu’où notre besoin pourrait s’étendre, je ne donnai à chaque homme qu’un morceau de biscuit et un verre de vin, pour dîner.

J’observai dans cette anse 19° 41′ de latitude sud. Elle est située dans la partie nord-ouest de Tofô, la plus au nord-ouest de toutes les îles des Amis.